"Je crois fermement aux réseaux locaux d'entreprises"
Gerrit Jan Schaeffer sait dans quelle direction il avance. En tant que directeur général d'EnergyVille, il souhaite poursuivre le développement du centre de recherche afin d'offrir un soutien et des conseils encore meilleurs à tous les acteurs de la transition énergétique. Parce que l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050 est une évidence. "La seule question est de savoir comment nous allons nous y prendre."
QU'EST-CE QUE ENERGYVILLE?
Energyville est une coopération entre les partenaires de recherche belges KU Leuven, VITO, imec et UHasselt consacrée à la recherche sur l'énergie durable et les systèmes énergétiques intelligents.
Le projet a pour mission de développer des technologies et des connaissances pour soutenir les acteurs publics et privés dans la transition vers un environnement urbain peu énergivore, décarbonisé et durable. Parmi les sujets sur lesquels EnergyVille mène des recherches figurent l'énergie solaire, les réseaux de chaleur, le stockage des batteries, les stratégies énergétiques et la conversion de l'énergie en molécules.
QUI EST GERRIT JAN SCHAEFFER?
Depuis juin 2021, Gerrit Jan Schaeffer est à la tête d'EnergyVille. Il a succédé à Ronnie Belmans, professeur à la KU Leuven, qui a pris sa pension en 2021. Schaeffer n'est pas un inconnu: entre 2007 et 2015, il a travaillé comme directeur de groupe pour l'énergie au sein de VITO et a été l'un des fondateurs d'EnergyVille. Ces cinq dernières années, il a dirigé sa propre entreprise d'énergie solaire aux Pays-Bas, Dutch Solar Energy.
Contrairement à Belmans, Schaeffer n'est membre d'aucune des quatre organisations qui composent EnergyVille. "Je pense qu'il faut avoir une position neutre à la tête d'un tel partenariat", dit-il. "Une fondation distincte a donc été créée, à laquelle je suis le seul à être lié, mais qui est bien sûr contrôlée par le conseil d'administration. Cette fondation a également reçu des fonds supplémentaires pour étendre le partenariat. Cela me donne une plus grande marge de manœuvre pour mieux coordonner les différentes activités."
Le rôle d'Energyville
Maintenant que la transition énergétique bat son plein, EnergyVille a un rôle important à jouer, affirme M. Schaeffer. "Il y a dix ans, nous devions encore publier ce qu'étaient les pompes à chaleur, pour ainsi dire; aujourd'hui, elles sont simplement vendues - tout comme les voitures électriques et les bornes de recharge. Notre rôle a changé à la suite de cette transition. Il faut non seulement développer une vision plus large, mais aussi rendre les techniques concrètes moins coûteuses et dénoncer certaines réglementations contre-productives. Nous ne nous préoccupons donc plus uniquement de l'innovation technique, mais fournissons également des données scientifiques aux décideurs politiques."
Comment construire des bâtiments neutres en carbone?
EnergyVille est engagée dans huit domaines de recherche différents. L'un des plus grands défis, selon M. Schaeffer, est celui des bâtiments. "Pas même sur le plan technologique, mais en termes de quantité de travail. Comment faire en sorte que tous les bâtiments soient neutres en carbone d'ici 2050? Quand on sait que 80% des bâtiments qui existeront d'ici là existent déjà aujourd'hui, on se rend compte que le défi est énorme. Et la neutralité carbone va bien au-delà d'une étiquette A. Cela peut sembler ambitieux, mais ce n'est pas suffisant. Au cours des 30 prochaines années, nous devrons rénover 4,5% des bâtiments chaque année pour atteindre un parc immobilier neutre en carbone. Et nous en sommes encore très loin."
"Au cours des 30 prochaines années, nous devons rénover 4,5% des bâtiments par an pour atteindre un parc immobilier neutre en carbone. Et nous en sommes encore très loin"
Réseaux de chaleur
"Une partie de la solution, sur laquelle nous travaillons également avec EnergyVille, consiste en des réseaux de chaleur de cinquième génération. Ceux-ci fonctionnent à des températures plus basses, ce qui signifie que les tuyaux n'ont pas besoin d'être isolés. De cette façon, les pompes à chaleur dans les bâtiments peuvent être contrôlées directement. Avec un système décentralisé de stockage de la chaleur et du froid, vous pouvez alors échanger la chaleur et le froid entre les différents bâtiments connectés à ce réseau. Jusqu'à récemment, cela n'était possible qu'avec l'électricité, ce qui permet de construire un réseau de chaleur dans les villes plus rapidement et à moindre coût. Après tout, un réseau de chaleur traditionnel nécessite d'énormes investissements."
vue d'ensemble
"Mais même cela ne reste qu'une solution partielle, bien sûr. Chaque jour, des personnes doivent prendre une décision lorsque leur chaudière à condensation tombe en panne. Elles doivent ensuite être en mesure de choisir une pompe à chaleur, dont on sait qu'elle nécessite un bâtiment bien isolé et un système de pompe à chaleur à basse température, et de préférence aussi un tampon thermique capable de faire face à la variabilité de la production d'énergie du côté de l'électricité. C'est difficile pour un installateur, car au jour le jour, il gère un problème à la fois chez son client. Mais il doit avoir une certaine vue d'ensemble, afin de pouvoir conseiller à son client de revoir son isolation de la maison, par exemple, avant de simplement installer une nouvelle chaudière à condensation. Je pense que cela devient de plus en plus important. Pensez-y, prenez vos responsabilités. C'est aussi ce qui, en fin de compte, vous permettra de positionner au mieux votre entreprise."
"Pensez-y, prenez vos responsabilités. Au final, cela permettra également de positionner votre entreprise de la meilleure façon possible"
Le fournisseur, un maillon essentiel
Selon M. Schaeffer, le pouvoir des fournisseurs de matériel technique est encore souvent sous-estimé dans ce tableau général. "Ils jouent un rôle crucial, car les installateurs y achètent leurs solutions et les installent chez leurs clients. Les grossistes sont encore souvent considérés comme des exécutants, mais leur valeur ajoutée peut être bien plus importante. Ils sont déjà nombreux à réfléchir et à offrir des combinaisons intelligentes au secteur de l'installation, mais ils peuvent aller encore bien plus loin."
En outre, cette approche intégrale, où tous les aspects de la maison sont immédiatement pris en compte, ne doit pas nécessairement provenir d'une seule entreprise, estime M. Schaeffer. "Je crois fermement aux réseaux locaux de petites entreprises - calorifugeurs, installateurs, électriciens... ". Ils constituent une bonne alternative à une grande entreprise comportant de nombreux départements différents. Mais pour pouvoir offrir cette valeur ajoutée, les entreprises doivent évidemment collaborer sur toute la ligne. Pour moi, c'est vraiment une solution d'avenir."
Quel est le rôle des autorités?
Selon M. Schaeffer, le gouvernement doit assumer un certain nombre de rôles. "Tout d'abord, il faut faire le point sur la direction que nous prenons tous. Sans message commun, tout ce que vous faites est une goutte d'eau dans le vide. Et puis, cela peut contrarier les gens. Mais le fait que nous soyons tous encouragés à avancer vers la neutralité carbone n'est plus un point de discussion. La discussion porte sur la manière de le faire. Et c'est aussi une question économique, qui ne se pose pas de la même manière pour tous. Le gouvernement et nos politiques doivent donc également réfléchir à la balance des points positifs et des inconvénients que cela représente."
"Enfin, ils doivent aussi bien réfléchir aux règlements, afin qu'ils aient le bon effet et correspondent à la communication. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, par exemple, avec le déséquilibre entre le prix de l'électricité et le prix du gaz. Les gens se rendent compte que ce n'est pas bien, mais il faut que quelque chose change. Si vous pensez que nous devons mettre en œuvre une transition énergétique, vous devez examiner toutes les règles, même s'il existe des raisons très compréhensibles pour lesquelles elles ont été établies de cette manière dans le passé."
"Je trouve dommage, par exemple, que de nombreuses discussions aient lieu au niveau fédéral, par exemple sur les éoliennes en mer ou sur la fermeture ou non des centrales nucléaires, alors qu'il faudrait accorder beaucoup plus d'attention à la stimulation des énergies renouvelables au niveau régional et à la manière dont nous allons redistribuer les avantages et les inconvénients."
